Tintin, le Cambodge, le cinéma et moi

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Vous n’êtes pas sans savoir – ou peut-être l’êtes-vous, après tout je suis une parfaite inconnue pour un certain nombre d’entre vous – que je suis une inconditionnelle des aventures du petit reporter belge à houppette et de toute sa bande de gai lurons.

En grande admiratrice et défenseuse du travail des éditions Moulinsart qui se battent corps et âme pour défendre ce chef d’œuvre de la bande dessinée, je dois parfois m’accrocher à ma propre houppette pour ne pas défaillir d’indignation devant les dérives et l’imagination tordue de certains.

Par exemple quand j’ai vu ça :

Non mais franchement, Tintin a plus de classe que ça !

Et yen a plein d’autre.

Par exemple , le pas drôle :

Le finaud :

Le sale :

 

(en plus genre Tintin il a de la barbe… )

Voilà, donc déjà dur dur. Mais tout ça, ça reste occidental, donc globalement « civilisé » et à peu près politiquement correct (même si on voit la petite culotte de la Castafiore je vous l’accorde). Ca n’est rien comparé à ce qu’on peut trouver de l’autre côté du globe, dans un pays ou la contrefaçon n’a pas de limite et ou tout le monde se contre-fout du respect dû à un blondinet d’une nationalité improbable et de son caniche qui, en 24 albums, n’ont même pas été foutu de faire un tour par chez eux.

Vexés de ne pas avoir reçu la visite de Tintin & Milou, les Cambodgiens inventent n’importe quoi. Ce qui fait que, régulièrement, je suis au bord de l’apoplexie au détour des étals du Marché Russe, quand je me retrouve face à ça :


Ou à ça :

Ou encore ça :

Tintin le Khmer Rouge, NON MAIS SERIEUX QUOI !!!

J’espère qu’Hergé ne lit pas mes articles le pauvre, il se retournerait dans sa tombe…

Fort de tout cela et de l’ouverture récente à Phnom Penh d’un cinéma à la mode American Way of Life (roller-skate parc avec de la techno, jeux vidéo et manettes, fast-food, blockbusters américains et films d’horreur), on s’est dit que c’était l’occasion de rendre a Tintin la westernitude qui lui revient en allant voir le dernier Spielberg adapté de ses aventures – je sais c’est outrageant de penser qu’un réalisateur américain, a fortiori celui-là, puisse biter quoi que ce soit à la magie de cette saga composé par… un Belge. Mais que voulez-vous, on fait ce qu’on peut avec ce qu’on a, si vous avez suivi l’article depuis le début, vous comprendrez.

Donc bref, on est allés au cinéma à Phnom Penh. Pour la troisième fois. La première fois c’était vers le 22 aout, on était allés voir Harry Potter 7.2. Et la deuxième fois c’était vers le 25 aout, on était allés voir… Harry Potter 7.2 parce que bon c’est Harry Potter quoi, vous pouvez pas comprendre.

C’est l’occasion de parler un peu du cinéma à Phnom Penh. Déjà entre ces deux premières séances, on avait noté une petite évolution. Au premier visionnage, 80 Cambodgiens sont arrivés 20 minutes après le début de la séance et ont passé 10 minutes debout devant l’écran à chercher leurs places. On a failli rater l’intégralité des loopings et cascades de Harry et Hermione en balais volants, je ne vous raconte pas l’état d’échauffement dans lequel j’étais.

Une fois que tout le monde a eu trouvé sa place, festival de sonnerie de téléphone dans la salle. Les Cambodgiens ont un rapport assez particulier avec leur téléphone portable. Je pense qu’il serait bon qu’un jour quelqu’un leur dise que la conséquence d’un appel manqué n’est pas un cataclysme cosmique qui réduirait la terre et ses habitants à l’état de néant.

Bref, au bout d’une heure un mec sur ma droite avait déjà eu toute sa famille au téléphone et en avait fait profité toute la salle. On pourrait penser que c’est logique, dans l’esprit humain, d’essayer de faire le moins de bruit possible quand on se trouve dans une salle pleine de gens silencieux qui ont vraiment autre chose à foutre que de s’intéresser à ce que vous racontez à votre interlocuteur (en l’occurrence, regarder Harry Potter merde). Eh bien non. Au Cambodge ça ne l’est pas. Finalement, au bord de la crise de nerfs, l’ami qui m’accompagnait s’est levé pour aller gentiment lui demander de fermer sa gueule s’il ne voulait subir le sortilège Avada Kedavra sur le champ. Retour au calme, la séance se poursuit quand soudain… un BEBE se met à pleurer. Bon je sais, les ignorants qui n’y connaissent rien à Harry Potter vont encore me rétorquer que c’est bien là la preuve que c’est une histoire pour enfants (ce qui n’est PAS le cas) mais bon à ma décharge, c’est quand-même un film qui a été interdit aux moins de 12 ans en Angleterre et aux Etats-Unis… sic.

La petite histoire pour justifier le fait qu’on y soit retourné trois jours plus tard (même si je n’ai pas à me justifier). Et là c’était beaucoup plus calme, point de retard, point de téléphones intempestifs, point de marmots. Pour Tintin, c’était la même à une exception prêt : entre les bande annonce et le film, on a eu droit à une petite démo de patriotisme, tous les gens de la salle se sont levés pour chanter l’hymne national cambodgien. Vous vous imaginez vous, entonner la Marseillaise à l’UGC ? Enfin bon ça peut se comprendre d’une certaine manière, quand on est cambodgien et qu’on va au cinéma à Phnom Penh, il y a une certaine potentialité à oublier qui l’on est et d’où on vient… En fait c’est peut-être pour cela les retards et les téléphones qui sonnent, pour dire aux américains : « WOW ! On est quand-même chez nous ok ?! Même si on a tous un Coca et du pop-corn a la main et qu’on mate que des films de Spielberg, ça nous empêchera pas de téléphoner à tous nos potes pendant la séance. Vos notions de respect, on se torche avec bande de néo-colons. » Enfin bon un cambodgien ne le dirait pas comme ça mais c’est l’idée.

Bon sinon, le Tintin de Spielberg il est cool sauf qu’en vrai, Tintin et le Capitaine se rencontrent dans Le Crabe aux Pinces d’Or, bon sang de bonsoir ! Enfin c’est à la sauce américaine quoi, faut s’adapter à son marché !

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